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  • Photo du rédacteurPierre Gouyou Beauchamps

La Desertus Bikus 2022, la course malgré moi (Partie 1)

Départ et CP1 : “Avis de tempête”


On est là, en cercle autour d’un brasero, à faire griller nos chaussures et quelques marshmallows. Il y a Rémi, Matthieu, Sophie, Sofiane, Adrien, Élise que je ne connais pas encore, et d’autres. Ambiance détendue, rencontres et discussions. Autour de nous, on s’active. Il est onze heures du soir, pas loin de 200 cyclistes ajustent leurs maillots fluo et les équipements nocturnes pour prendre le départ de la course. Nuit noire dans ce quartier commercial d’Anglet, près de Bayonne. Certains, la plupart, ont déjà enfilé les sur-chaussures imperméables pour affronter la tempête prévue. Déjà, il ne pleut pas, au contraire des prévisions les plus pessimistes. C’est toujours ça de pris sur la pluie et le froid. Une petite victoire pour le moral des troupes.


Minuit et 50 secondes, ça décompte en espagnol. C’est bien, je sais maintenant compter jusqu’à 10. A l’envers, certes.


Minuit et une minute. C’est parti. Départ rapide sur les boulevards d’Anglet. Premiers tours de roue des 1252 kilomètres qui me séparent de l’arrivée sur la Costa del Sol, la Méditerranée, l’Andalousie, je me souviens, les prairies bordées de cactus, tout ça…


Entre le point de départ nocturne et l’arrivée espérée ensoleillée au café Dulce Casa à Nerja, on doit valider 4 checkpoints localisés dans des déserts espagnols : les Bardenas Reales, la ville d’Albarracin, le désert de Gorafe et le désert de Tabernas. Entre ces points, chacun est libre de tracer son itinéraire comme il l’entend : à chaque rond-point, notre petit groupe perd des membres. Les stratégies de course se déploient dès les premiers kilomètres. On passe d’un peloton de 40 personnes à une mini-formation de 6 personnes plus ou moins solidaires en moins de 10 kilomètres.


J’ai choisi de franchir les Pyrénées par le col de Roncevaux, au-dessus de Saint-Jean Pied-de-Port. La route d’approche se déroule sans encombres, ça roule vite et bien. Et d’un coup, après un virage en épingle, je me retrouve seul. 70 kilomètres après le départ débute l’aventure personnelle. Je rentre dans ma bulle et me connecte à mes sensations.


Col atteint à 3h51. 1057 mètres d’altitude. Jusqu’ici, tout va bien. Quelques gouttes de pluie seulement, pas de quoi justifier la veste de pluie. Par acquis de conscience, quand même, je me couvre de la tête au pied pour la grande descente. Tant mieux. 5 minutes après, c’est le déluge. J’ai l’impression que quelqu’un me jette des seaux d’eau à la figure. C’est à ce moment-là que je me rends compte, un peu tard sans doute, que ma veste de pluie n’en est pas une. Ça doit être une veste “déperlante”, un truc comme ça. Là, ce ne sont pas des perles qui tombent du ciel, c’est des gros diamants. Je suis trempé jusqu’à la peau. Un rapide et savant calcul, “température extérieure de 1°C, pluie battante, route au profil descendant donc rapide” : je n’ai pas d’autres choix que de pédaler comme un damné pour maintenir la température du corps assez haute et éviter l’hypothermie. Vive le mérinos, d’ailleurs. Hallelujah sur les moutons.


Il est 4h du matin, je suis dans les Pyrénées espagnoles, je suis trempé, il fait pas loin de geler et je roule à 30 à l’heure à travers la tempête, vent de face. La course a commencé.


Dans la descente, je croise un immense renard, spectre silencieux au milieu d’un village endormi. Les gouttières dégueulent de torrents d’eau, la route est un vinyl luisant. Lumière rouge par intermittence : je rattrape un concurrent. C’est Flavien. Pierre, enchanté. Ça va ? Trempé. Tiens, moi aussi. Quelle coïncidence. On roule ensemble ? Allez.


On roule jusqu’au pied des Pyrénées. A huit heures du matin, le jour s’est levé sur une campagne triste, pluvieuse, froide. Dans un village, un magasin d’alimentation ouvre tout juste ses portes. On en sort les bras chargés, que l’on rouvre au-dessus de la table d’un petit café attenant. Une heure de pause à avaler charcuteries, sandwichs, cafés con leche, à tenter de se réchauffer un peu. Peine perdue. On ressort sous la pluie et on pousse jusqu’au CP1. La pluie cesse vers 10h mais le vent s’est levé, lui. Puissant et de travers. On aborde le désert des Bardenas Reales par le nord. La longue piste gravel de 20 kilomètres est assez plate et roulante. CP1 en poche, je me rends compte que je suis 39ème sur les 182 partants. Je crois que c’est à ce moment-là que le jeu de la course s’est imposé. Au début, je visais 5 jours pour boucler les 1252 kilomètres. J’ai mis un peu moins.


Je repars seul. Le désert est joli, mais je veux fuir ces terres humides et m’éloigner des montagnes le plus vite possible.


A Tudela, pause tapas alors que mes affaires tentent de sécher en plein vent. Vive les prolongateurs, ces tancarvilles pour cyclos trempés.


L’après-midi est passée à affronter un fort vent de trois quart face. Le pire. J’avance, mais pas comme prévu. Les centaines d’éoliennes ont l’air d’apprécier le déplacement d’air. On dirait des hélicoptères.


Je réduis ma journée. De 380 kilomètres prévus, je passe à 300 et je m’arrête pour la nuit dans un hôtel de La Almunia de Doña Godina. Tapas dans la chambre d’hôtel où j’ai monté le chauffage à 32°C pour faire sécher l’intégralité de ma garde-robe.



Les photos :








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